Télécoms : dialogue de sourds entre Nelly Kroes et Geoffroy Roux de Bézieux

Geoffroy Roux de Bézieux, président de l’opérateur mobile Virgin Mobile, n’aura pas eu de réponse directe de la commissaire Européenne Nelly Kroes, responsable pour le numérique, lorsqu’il l’a interrogée sur la mise en place d’une concurrence équitable en Europe face aux Américains et aux Chinois. Ils s’exprimaient tous les deux sur la scène du Hub Forum, vendredi 11 octobre.

Il a notamment critiqué les conditions fiscales abusives dont bénéficient les géants du Web américains tels qu’Amazon, Apple ou Google, ainsi que les subventions d’état massives qui viennent financer les équipementiers télécoms chinois. Nelly Kroes répond qu’il faut un secteur télécoms en bonne santé, ce qui n’est pas le cas dit-elle, de l’innovation et abattre les frontières au sein de l’Europe.

Elle exhorte les Européens et les Français en particulier à ne pas vouloir traire les vaches à lait du passé mais plutôt d’exploiter les opportunités du futur. « La situation d’Alcatel montre ce qu’il en coûte d’échouer à s’adapter » dit-elle. « Vous avez de l’or entre les mains.  Vous ne devez pas en France être tournés vers le passé mais vers le futur. »

Face aux Chinois, elle conseille de les concurrencer par des produits plus innovants. Côté opportunités, elle veut que le secteur des télécoms invente de nouveaux modèles économiques. « Ce n’est pas trop tard. » Elle prend l’exemple du Cloud.  « L’affaire Prism a sonné comme un signal de réveil » dit-elle. « L’Europe peut reprendre la main en fournissant un Cloud sécurisé, cela fera venir les PME » dit-elle. « Nous ne voulons pas être des suiveurs dans le domaine du numérique. » Elle ne semble pas partisane de nouvelles taxes pour rendre la concurrence équitable. Elle pense plutôt qu’il convient de supporter les nouvelles possibilités comme le Big Data ou l’internet des objets.

Par ailleurs, la commissaire se sera également montrée particulièrement tenace lors de ses interventions en ce qui concerne l’abolition des coûts de roaming imposés par les opérateurs télécoms en Europe.

« Il faut abattre les coûts du roaming » insiste-t-elle. Elle cite le fait que les clients des opérateurs mobiles ont peur de téléphoner depuis l’étranger ou de télécharger des documents de travail lorsqu’ils passent les frontières face aux coûts prohibitifs imposés par le roaming. « Votre client doit être votre ami et ne pas devenir votre ennemi » avertit-elle. Elle donne son propre exemple. Elle a téléchargé durant le weekend un journal depuis son mobile et cela lui a coûté trois fois plus cher car elle était à Londres et non à Bruxelles.


Elle se tourne vers le futur. « L’Europe doit de nouveau être à la place du conducteur, et ne pas juste copier ce qui se passe dans la Silicon Valley » déclare-t-elle. Elle cite Linux, Deezer ou Angry Birds, tous nés en Europe mais partis à l’étranger pour se développer. Elle a rappelé la nécessité de disposer du très haut débit en Europe, sinon tout le reste ne servira à rien. Elle entend que l’Europe reprenne les commandes en ce qui concerne le développement de la 5G ou du Big Data.

Elle pointe d’autres faiblesses comme la fragmentation de l’Europe qu’il s’agisse de systèmes de paiement en ligne, de gestion de l’identité des internautes, ou de gestion des copyrights. « L’Europe ne représente que 6% des abonnés 4G dans le monde, or c’est l’oxygène du digital. »

Elle ajoute qu’il existe également un souci de compétences, et donne l’exemple d’ingénieurs espagnols – elle était récemment en Espagne – qui ne maîtrisent pas suffisamment l’anglais. Enfin, elle pense qu’un changement d’état d’esprit doit avoir lieu. « En Europe, quand on échoue, on est marqué » regrette-t-elle. « Alors qu’aux Etats Unis, on salue le courage de quelqu’un qui relance un projet après un échec » déclare-t-elle. Elle se donne en exemple. « J’apprends plus de mes échecs que de mes succès, et la liste de mes échecs est plus longue que celle de mes succès. »

Geoffroy Roux de Bézieux est revenu en conclusion sur sa vision des télécoms en France : «  On est passé de pas assez de concurrence à trop de concurrence. Il nous faut créer des champions en Europe pour qu’ils puissent être concurrentiels au niveau mondial. »

Photo, de gauche à droite : Nelly Kroes, commissaire européenne au numérique, Gilles Babinet, Geoffroy Roux de Bézieux, patron de Virgin Mobile

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