Docteur Hervé Rosay : « le patient est un client »

Docteur Hervé Rosay, anesthésiste au Centre Léon Bérard à Lyon, 28 novembre

La technologie doit aider les médecins à mieux tenir compte du patient et pas seulement à mieux le soigner. C’est la voie choisie par le docteur Hervé Rosay, anesthésiste au Centre Léon Bérard à Lyon et spécialisé dans la pose d’accès veineux-centraux pour diffuser de la chimiothérapie.

Alléger l’anxiété des patients

Il prescrit l’usage d’un casque de réalité virtuelle qui aide à alléger l’anxiété des patients avant et après une opération. Il défend une démarche où le patient est un client. « Finalement, c’est un peu tabou de dire que le patient est un client » reconnait-il. « Moi je pense que c’est bien de le dire, je transgresse un peu les règles médicales. Je pense que c’est bien de le dire, parce que le patient quand il est client, il peut choisir » ajoute-t-il. Il a pris la parole à l’occasion de l’événement organisé par l’EBG (Electronic Business Group) sur l’innovation digitale, le 28 novembre à Paris.

On est dans la satisfaction patient, la satisfaction client, le parcours client

Avec le casque de réalité virtuelle, le patient est plongé dans un monde immersif qui abaisse son niveau d’anxiété. « On est vraiment dans la satisfaction patient, dans la satisfaction client, dans le parcours client. A l’hôpital, nous avons aussi des périodes difficiles, des périodes d’attente, qu’il faut utiliser, utiliser pour former, utiliser pour détendre, pour rassurer, et je pense que ce type d’appareillage aide beaucoup les patients en souffrance » pointe-t-il.

Le patient quand il est client peut également noter, se réjouit le médecin. « Outre Atlantique, il y a des notes. Les clients notent les hôpitaux. Il y a des TripAdvisor des hôpitaux » indique-t-il. Il estime que ces comportements commencent à arriver en France. « Cela commence à sortir en France. Mais en France, les données sur les meilleures cliniques, tout ça, ce sont encore des données de l’agence régionale de Santé » pointe-t-il. « On ne prend pas encore compte de la satisfaction patient. Cela va venir parce que le ministère de la Santé pousse pour que l’on tienne compte de la satisfaction patient » termine-t-il.

Les avis Google en croissance discrète

La question de la notation des services médicaux et des médecins par les patients est une question délicate en France. Sur le Web, les avis déposés via Google sur les hôpitaux et les médecins montent doucement en puissance. Avec la conséquence à laquelle on pouvait s’attendre, c’est-à-dire de trouver des avis qui déplaisent aux médecins.

Le Conseil de l’Ordre des Médecins réagit en 2017

L’Ordre national des médecins s’en est ému à partir de mai 2017, d’autant plus que si le patient peut s’exprimer sur son propre cas, le médecin pour sa part est tenu à un devoir de réserve, ce qui complique ses possibilités de réponse à un avis négatif. Dès lors, l’Ordre des médecins explique aux médecins comment s’exprimer sur les médias sociaux et demander aux plateformes de retirer les avis illicites.


L’Ordre a publié en octobre 2018 un guide détaillé sur la manière de gérer une mauvaise e-réputation et même de faire disparaître la fiche professionnelle d’un médecin du Web. « L’acte professionnel d’un médecin ne saurait en aucun cas être assimilé à une simple prestation de service » s’insurge le Conseil national de l’Ordre des médecins. « Il n’est cependant pas illégal pour un patient de poster un avis concernant un médecin en ligne » concède-t-il.

Le Conseil de l’Ordre des médecins réagit

Un guide de 31 pages montre la complexité de la question et toute la difficulté du conseil de l’ordre face aux pratiques du numérique. Google par exemple crée une fiche professionnelle sur le praticien mais dont le déréférencement ne peut pas être demandé par l’intéressé relève l’Ordre.

Doctolib ne veut pas entendre parler de notation des médecins

Des initiatives d’entrepreneurs ont échoué il y a une dizaine d’année dans la notation des médecins. On citera l’échec de notetondoc.com ou quimesoigne.com. Le moteur de recherche Yelp.fr a cessé de proposer la notation de médecins.On pourrait penser qu’une plateforme de prise de rendez-vous médical comme Doctolib soit bien placée pour intégrer la notation, mais elle s’y refuse catégoriquement. De fait, la plateforme joue le rôle d’assistant du médecin mais pas d’aide à la décision pour le patient.

Romain Guedj, pédiatre aux urgences de l’hôpital Trousseau, interrogé sur le thème de la notation en marge de l’événement Datajob à Paris, le 22 novembre, réagit pour sa part en pointant que la qualité des soins délivrés par un médecin ne peut réellement être appréciée que par une instance officielle. Enfin, face à Google, on trouve des initiatives dédiées à la notation telles que hospitalidee.fr pour la notation des hôpitaux ou lesbonschoixsanté.fr pour noter les médecins. Leur impact apparaît encore limité.

Le casque de réalité virtuelle est utilisé durant l’opération

400 patients utilisateurs des lunettes immersives

Plus de 400 patients du Centre Léon Bérard à Lyon ont utilisé le casque de réalité virtuelle Oncomfort. Grâce à ce casque, en pré et post opératoire, 80% des patients diminuent de moitié leur anxiété. Le casque de réalité virtuelle s’accompagne d’applications d’auto hypnose. Cela permet de se projeter en dehors de l’hôpital et de sortir de l’endroit où l’on est. « Moi je l’emmène souvent dans une plongée sous marine avec une baleine. Après quelques mouvements de respiration, le patient va être calme. On baisse le ton, la fréquence, les gens s’adaptent. En fin d’intervention, on accélère, on parle plus fort, on met une musique plus forte, on dynamise et les gens se réveillent avec quelque chose de positif » décrit le docteur Hervé Rosay.
« Nous réalisons maintenant quelques interventions sans anesthésie alors qu’avant c’était systématiquement avec une anesthésie. Il y a des patients qui ne sont pas endormables et que l’on arrive à traiter sous réalité virtuelle et auto hypnose, sans anesthésie générale » précise-t-il. « C’est une autre arme dans notre arsenal. Ce n’est pas la panacée mais c’est vraiment satisfaisant pour les patients » se réjouit-il.
Les principaux freins à cet usage d’un casque réalité virtuelle sont humains, considère le médecin. « Lorsque l’on emmène quelque chose de nouveau, un nouveau projet, à chaque fois, il faut y aller doucement. Pas à pas. L’idée est d’avoir eu des success story et une fois que les success story ont été montrées aux soignants, en faisant tester l’appareil aux soignants, cela a été relativement facile à faire accepter. Soignants, infirmières, médecins, chirurgiens, ont été faciles à convaincre finalement. Le patient est aussi assez facile à convaincre. Finalement, les plus difficiles à convaincre, ce sont nos directions car ils craignent tout de suite des budgets supplémentaires » conclut le médecin.

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