Grâce à Youtube et à de la persévérance, un client mécontent ramène Porsche à la raison

Un client mécontent de Porsche aux Etats Unis a réussi à obtenir gain de cause grâce à une série de vidéos sur YouTube qui a récolté l’attention et le soutien du public. Le constructeur automobile aura toutefois mis du temps à entendre raison.  Olivier Cimelière, directeur d’Heuristik Communication en tire les leçons. 

A l’ère des réseaux sociaux, même les marques de luxe ne sont plus à l’abri d’un client mécontent et prêt à tout pour obtenir gain de cause. Porsche vient d’en faire l’expérience aux Etats-Unis avec le malchanceux propriétaire d’une Porsche 911 type 991 particulièrement récalcitrante. A bout de nerfs et devant la surdité du constructeur, l’homme a posté une série de vidéos sur YouTube face à laquelle la marque de Stuttgart a tardivement activé son « ABS communicant » !

Pas de protection contre le bad buzz

Si certains pensent encore que le statut iconique de leur marque constitue une inoxydable immunité envers les « bad buzz » numériques, la donne a définitivement changé. N’importe quel client peut écorner la réputation d’une enseigne si le service n’est pas à la hauteur. Récit d’un dérapage contrôlé à la dernière minute par Porsche.

Le fan se rebiffe

Nick Murray à bord et en direct de la Porsche maudite !

Nick Murray est un trentenaire néo-zélandais qui a émigré aux Etats-Unis. Ni fortuné, ni désargenté, ce fan absolu de Porsche économise durant cinq ans avant d’enfin toucher son Graal mécanique en juin 2013 (1) : une élégante Porsche 911 type 991 bleue sombre.

La voiture bloquée au milieu de l’autoroute

Poussant le plaisir jusqu’au bout, il débourse même quelques milliers de dollars supplémentaires en options diverses pour avoir le nec plus ultra de la technologie Porsche. Pourtant, son rêve va  tourner au cauchemar. Le bolide accumule les anomalies. Il subit ainsi une vitre capricieuse qui s’ouvre toute seule à pleine vitesse, des fuites dans l’habitacle par temps de pluie, des vibrations dans tous les sens ou encore une coupure brutale de l’alimentation électrique qui bloque la voiture au beau milieu de l’autoroute.

En décembre 2013, l’engin est retourné quatre fois au garage pour effectuer des réparations sous garantie. Sur sa chaîne YouTube personnelle où il a déjà publié de nombreuses vidéos d’essais de voitures qu’il a pilotées, Nick Murray décide alors de conter par le menu la saga qu’il vient d’inaugurer avec sa nouvelle acquisition.

Un ton poli et mesuré

D’emblée, il n’élude pas les problèmes rencontrés mais le ton demeure poli et mesuré. Il met en ligne 30 minutes de film où il passe au crible les avantages et les inconvénients de son actuelle voiture. En dépit des multiples interventions mécaniques, les anomalies persistent et s’accumulent.

Au total, l’engin aura effectué six allers et retours à l’atelier où il sera resté immobilisé près de 60 jours (2). Il s’engage alors un bras-de-fer entre le propriétaire et Porsche Car North America (PCNA). La filiale américaine propose de dédommager Nick Murray au prix de l’argus du moment.

Refus d’une offre désavantageuse

Refus de Nick Murray qui considère qu’une telle offre n’est absolument pas avantageuse. A la place, il exige le remboursement intégral de ce qu’il a initialement dépensé ou un échange standard avec un modèle identique. Cette fois, c’est Porsche qui rejette catégoriquement.

Coup d’accélérateur de buzz sur la Toile

Porsche - Articles blog

Face à la succursale américaine qui fait la sourde oreille, Nick Murray passe à la vitesse supérieure. En plus de déposer une plainte devant le tribunal du Connecticut où il réside, l’homme publie en mars 2014 une exhaustive vidéo où il compile tous les défauts rencontrés sur son bolide.

Le constructeur s’entête

Images et explications à l’appui, il prouve que rien n’est réglé et que PCNA s’entête à ne rien vouloir entendre de sa légitime déception devant une voiture à la mécanique aussi rétive. Pour Nick Murray, une telle attitude est totalement contraire à la réputation de fiabilité de Porsche. Plus de 42 000 personnes visionnent en tout cas son message.

En dépit du ton courtois mais déterminé de son client, Porsche continue de se draper dans le silence. L’affaire est au point mort quand le 15 avril, Nick Murray décide de poster une nouvelle vidéo. Au visionnage, on devine le propriétaire largement excédé même s’il parvient encore à faire de l’humour grinçant sur cet interminable feuilleton.

Au passage, il dénonce les pressions appuyées de Porsche pour qu’il finisse par accepter un dédommagement selon les termes que le constructeur veut lui imposer. La conclusion de Nick Murray est sans ambages : « Arrêtez de vous foutre de ma gueule, rendez-moi mon argent pour que je puisse m’acheter une autre voiture et vous serez débarrassé de moi pour toujours ! ». Cette fois, les réseaux sociaux entendent l’appel. L’audience de la vidéo bondit à plus de 1,2 millions de vues.


La pression grimpe dans le rouge

Porsche - capture défautsEn parallèle de la vidéo qui fait grand bruit sur les blogs automobiles nord-américains, nombreux sont également les socionautes à venir « pourrir » la page officielle Facebook de Porsche qui compte tout de même plus de 7 millions de fans à travers le monde (commentaires qu’on ne trouve plus à l’heure actuelle !). Devant cet énervement généralisé et un risque patent de baz buzz très préjudiciable pour la réputation de qualité de la marque, Porsche daigne enfin sortir du silence et revenir à des considérations plus empathiques.

Le contact étant à nouveau rétabli et le problème en cours de résolution, Nick Murray publie le 18 avril une vidéo supplémentaire. Soulagé, il annonce que Porsche accède à ses requêtes.

Fair-play, il précise même que son intention n’était pas de souiller la réputation de la marque qu’il continue d’estimer grandement mais d’attirer l’attention sur un problème client qui aurait dû être traité avec nettement plus de sérieux et de considération. Malicieux toutefois, il clôt sa vidéo avec un florilège des commentaires assassins déposés sur Facebook, YouTube et Twitter à l’encontre de Porsche.

Tête-à-queue réputationnel évité de justesse !

L'épilogue posté sur Facebook par Nick Murray

Le rapport de force entre le client et le fournisseur a grandement évolué. Aucune enseigne ne peut se considérer désormais à l’abri de récriminations pouvant prendre une telle ampleur que la réputation de l’entreprise ne se retrouve sur un fil d’équilibriste particulièrement dangereux.

Pas d’agressivité atomique

Néanmoins, les plaintes ne fonctionnent que si elles sont argumentées et étayées. C’était précisément le cas avec l’affaire Nick Murray où ce dernier a inlassablement apporté les preuves concrètes des défauts de sa voiture sans s’égarer dans une rage folle ou menacer la marque de représailles atomiques.

En septembre 2013, un autre propriétaire de voiture insatisfait avait également adopté la manière forte pour faire réagir BMW. Possesseur d’une BMW M6 bourrée d’anomalies depuis plusieurs années, l’homme avait publiquement détruit à la hache son automobile lors du salon de Francfort. La vidéo avait été vue plus de 2,1 millions de fois. Pourtant, nul ne sait à l’heure actuelle l’épilogue de ce coup de folie.

L’écho viral des réseaux sociaux

En revanche, ce qui est acquis est la capacité virale d’un individu déterminé à faire plier une entreprise grâce à l’écho inégalable des réseaux sociaux. En finissant par céder, Porsche s’est évité un sacré tête-à-queue réputationnel.

 Sources

– (1) – Chris Bruce – « Nick Murray’s problematic Porsche 911 shows the power of a viral video » – AutoBlog – 18 avril 2014
– (2) – Eric Dupin – « Mécontent de sa voiture, il fait plier Porsche grâce aux réseaux sociaux » – Presse Citron – 21 avril 2014

Première vidéo (26 décembre 2013)

Deuxième vidéo (16 mars 2014)

Troisième vidéo (15 avril 2014)

Quatrième vidéo (18 avril 2014)

 

 

Olivier Cimelière

Littéraire dans l’âme, journaliste de formation et communicant de profession, voilà pour le tableau synoptique express d’Olivier Cimelière. Olivier a 20 ans d’expérience et un parcours plutôt original dans des secteurs d’activité très variés. Expert en stratégie de communication d’entreprise et de réputation des dirigeants, il est directeur d’Heuristik Communications et anime le blog du communicant 2.0. Depuis avril 2014, il est directeur associé de l’agence d’image et opinions Wellcom.

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