Un ensemble d’associations souhaite que le gouvernement encadre la publicité et l’influence des multinationales. Il s’agit d’un impératif écologique et démocratique pour le climat et contre la malbouffe. C’est ce que demandent Les Amis de la Terre France, Résistance à l’agression publicitaire (RAP) et Communication sans frontières (CSF) en partenariat avec l’Observatoire des multinationales.
L’État doit poser des limites
« La pub et le marketing nous poussent à dévorer et polluer la planète » s’indigne Marie Cousin, présidente de Résistance à l’agression publicitaire. « L’État doit maintenant poser des limites : réguler les discours pour lutter contre les incitations à la surconsommation » ajoute-t-elle.
« La publicité des multinationales alimente la surconsommation. Elle sert aussi de façon sournoise à des fins de lobbying » pense Juliette Renaud, responsable de campagne sur la Régulation des multinationales aux Amis de la Terre France. « Elles trompent les citoyens et les décideurs politiques en faisant croire à ces derniers qu’il n’y a pas besoin de les réguler puisqu’elles sont soi-disant déjà vertes et responsables. Les laisser dire ce qu’elles veulent participe à leur impunité, il faut mettre fin à ce mythe de l’autorégulation » ajoute-t-elle.
Une surconsommation à cause de la publicité
Le rapport rédigé par les associations est intitulé BIG CORPO. Il considère que les 30 milliards d’euros annuels de dépenses de communication commerciale en France engendrent directement des phénomènes de surconsommation de produits controversés comme certains véhicules SUV ou produits alimentaires.
« En 2018, McDonald’s, Burger King et KFC ont dépensé ensemble plus de 350 millions d’euros de publicité en France … Or le secteur du fast-food, qui se définit par le fait de servir dans des emballages jetables, ne pose pas seulement des problèmes de santé publique : McDonald’s génère 115 tonnes d’emballages par jour en France, 2,8 tonnes chaque minute au niveau mondial » peut-on lire dans BIG CORPO.
Près de 2 heures de publicité vues par jour
La pression publicitaire est intense. « En 2017, le consommateur américain était exposé à 110 minutes de publicité par jour » retient le rapport. On arriverait même à 15 000 « stimuli commerciaux » par jour si l’on inclut « le sponsoring, le placement de produits dans les films, les enseignes et devantures de magasins, les publicités sur les distributeurs de boissons, les displays et autres présentoirs dans les magasins, les logos bien identifiables sur vêtements, etc. »
Par ailleurs, les associations considèrent que les campagnes de communication « corporate » de certaines industries sur leur responsabilité sociétale, contribuent à façonner une image trompeuse dans l’opinion, pour protéger leur valeur financière et influencer les décideurs politiques.
Les annonceurs organisent une surveillance de masse sur internet
Les associations relèvent également que le marché publicitaire permet aux annonceurs d’exercer une influence éditoriale sur les médias. Ces mêmes annonceurs organisent une surveillance de masse par la publicité ciblée sur internet. Le rapport propose des actions concrètes pour lutter contre la pollution directe des activités publicitaires, d’instaurer des mécanismes de régulation indépendante des discours des entreprises, d’engager des réformes économiques pour réduire la pression commerciale ainsi que soutenir l’indépendance des médias et les discours des associations citoyennes.
Le rapport demande de rendre publiques et accessibles les principales informations relatives aux dépenses et activités de communication des entreprises, en instaurant dans le rapport financier une nomenclature unique permettant d’accéder à un certain niveau de détail.
Lutter contre l’incitation au gaspillage
Les pouvoirs publics doivent intervenir à travers la mise en place d’une autorité administrative indépendante de régulation des contenus publicitaires et de communication. Des règles devront permettre d’encadrer les discours publicitaires et marketing afin de lutter contre l’obsolescence et l’incitation au gaspillage. Les associations observent que la publicité a souvent tendance à limiter l’information qu’elle transmet au consommateur voire à en être totalement dénuée, comme dans le secteur du luxe. Elles souhaitent des moyens d’organiser le retour de l’information au centre des messages et d’établir la liste des informations « nécessaires »
Dans certains secteurs des informations additionnelles relatives aux aspects environnementaux ou sociétaux des produits et des circuits productifs devraient être introduites, comme l’empreinte énergétique, la réparabilité, la valeur nutritionnelle, etc. Pour ce qui relève des contenus, plusieurs techniques d’encouragement au gaspillage et au renouvellement prématuré des produits doivent être combattues demande le rapport : l’incitation au remplacement des biens en état de marche, la valorisation des produits jetables, le « rétro-shaming » c’est à dire la ridiculisation de la récupération et de l’ancien, l’abus de l’argument de « l’innovation », les messages trompeurs sur le caractère recyclable ou réutilisable des produits, etc.
Les rédacteurs du rapport indiquent qu’il intervient quelques jours avant la publication du rapport commandé par le gouvernement sur les impacts de la publicité et le rendu des conclusions de la Convention citoyenne pour le climat du 19 au 21 juin 2020, qui prévoit des propositions sur la régulation de la publicité.