Le digital pousse à restructurer les actions de formation

Le digital amène la culture de la mesure dans la formation. François Bocquet, de Gutenberg Technology, le 23 juin

L’irruption du digital dans la formation oblige à renouveler la transmission des savoirs. Place au jeu et au collaboratif, à la culture de la mesure et de la Data. Reste que le système en place privilégie encore le présentiel. 

Choisir le digital, « c’est choisir un outil, une méthode, un encadrement, » décrit Philippe Lacroix, directeur associé de IL&DI. Le tout, « en fonction d’un niveau de motivation et d’un mode de mémorisation [NDLR : d’un apprenant], »  précise-t-il. IL&DI est une société de transformation digitale des actions de formation, organisateur des Digital Learning Day, les 22 et 23 juin à Paris.

L’événement a réuni 140 professionnels de la formation en entreprise, dont des collaborateurs de grands groupes tels que Société Générale, BPCE, LCL, BNP Paribas, Auchan, Axa, Air France, Areva, etc.

Gamification et outils collaboratifs

Première étape : fragmenter le contenu pour intégrer le digital dans un programme de formation. Cette hyper granularité permettra de glisser ces « grains » de formation dans différents contenus selon les caractéristiques des apprenants.

Frédéric Kuntzmann, DG de la société My-Serious-Game

Cette fragmentation permet de prévoir des durées de formation de plus en plus courtes. Cela permet de « se former lors d’une pause déjeuner, par exemple, » illustre Flore Boutin de Coorpacademy qui souligne « le meilleur contenu doit être dans le meilleur contenant. »

Coorpacademy a été fondé en 2013 par l’ancien patron de Google France, Jean-Marc Tasseto, et levé 10 millions d’euros en octobre 2016 après avoir levé 3,2 millions d’euros à ses débuts. Coorpacademy propose une plateforme de formation en ligne et de Mooc (Cours en ligne). Elle est déjà employée massivement par Société Générale pour diffuser la formation en interne.

La gamification est à l’honneur 

Deuxième étape : jouer c’est apprendre. Le jeu semble être la manière la plus efficace pour apprendre. Il capte l’attention, permet de calibrer un défi, incite le joueur à retourner vers les savoirs et à recommencer.

Mis en situation de challenge, le réflexe de l’apprenant est de réviser afin de se placer dans de meilleures conditions. Mais attention, la concurrence va être rude. « 30% des apprenants en situation de jeu vont vouloir faire partie du top 3, » pointe Flore Boutin. Résultat, l’enjeu est de valoriser ceux qui se donnent du mal même si leurs résultats ne sont pas édifiants.

Il ne faut pas décourager les apprenants tout en les stimulant. C’est l’axe retenu par la société Didask avec sa solution d’Adaptative Learning. Son ambition est que les gens apprennent durablement en « stimulant l’engagement grâce à des défis suffisamment difficiles sans être décourageants, » présente  Son Thierry Ly, CEO de la société Didask. Il faut mettre ensuite en pratique ce qui est appris, afin d’ancrer l’apprentissage et éviter d’oublier.


Reste que développer un jeu est coûteux, et face à l’incertitude de sa viabilité économique, le développement d’un jeu reste réservé aux grands groupes à ce jour.

Le pédagogique en mode collaboratif

Troisième étape : le collaboratif. Le digital facilite la construction d’outils pédagogiques collaboratifs. Des solutions comme Gutenberg Technology, présent lors de l’événement, ouvre la création des contenus à plusieurs : pédagogues, experts, créatifs, relecteurs, auteurs, éditeurs… Il s’appuie sur un outil qui fonctionne en mode collaboratif et en temps réel, multipliant ainsi les échanges entre les différents intervenants.

Quatrième étape : tenir compte des freins. Malgré cette montée en puissance, il existe encore des freins trop nombreux au digital. Les us et coutumes favorisent largement le présentiel. En effet, tout est organisé autour du présentiel : les salaires des formateurs, les subventions, les aides, … L’ancrage des pratiques et le système en place  rendent difficile la digitalisation dans la formation. Le système privilégie des journées de formation remboursées en fonction du présentiel !

Cinquième et dernière étape : la data. Le digital se manie avec précaution. L’enjeu principal est de ne pas détourner son énergie et ses ressources vers des choses qui n’ont pas de plus-value.

Par exemple, il serait peu adapté d’utiliser l’intelligence artificielle afin de recommander des parcours de formation aux étudiants, car « l’intelligence artificielle met en évidence des liens de corrélation statistique et non des liens de causalité,” pointe Son Thierry Ly.

La seule manière de tirer des conclusions fiables à partir de données, selon lui, consiste à comparer les niveaux d’apprentissage obtenus par deux groupes auxquels on a appliqué des modalités pédagogiques différentes par tirage au sort.

La data pour évaluer la formation

Les méthodes du décisionnel et de « l’analytics » dans la formation vont servir à mettre en place des indicateurs clé et à adapter la formation aux résultats obtenus. Le digital dans la formation va surtout permettre de prendre en compte les niveaux des apprenants.

Les bases de données d’utilisateurs permettent de créer des groupes homogènes d’apprenants. Les responsables formation en ont rêvé, le digital l’a fait. « En matière de formation, la Data est au 21ème siècle ce que le pétrole était au 20ème siècle, » insiste Frederic Kuntzmann de My Serious Game. Le train du numérique est en marche et il faudra monter à bord avant qu’il ne soit trop tard.

Sandrine Baslé

Sandrine Baslé est spécialiste de la relation client, du marketing et de la vente de services. Ancienne d’Ipsos et de l’Institut CSA, elle a conduit de nombreuses missions de conseil dans le cadre de changement de culture d’entreprises. Elle a été avocate puis correspondante à Londres du journal Service News. Elle est également enseignante en marketing, études de marché et communication à l’IIM (Institut d’Internet et du Multimedia) et à TBS (Toulouse Business School) et directrice associée de Qualiview conseil.

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