Michel E.Leclerc tâcle Amazon et le risque d’oublier l’utilité sociale du commerçant

Michel Edouard Leclerc, lors de Digital Change à Nantes, le 23 janvier

L’innovation digitale et les coups de com qu’elle permet, c’est bien. L’utilité sociale pour un commerçant, c’est mieux. C’est le propos de Michel Edouard Leclerc, patron des centres E.Leclerc, qui pointe Amazon et ses livraisons par drone qui font le buzz. Le dirigeant a pris la parole le 23 janvier à l’occasion de l’événement Digital Change à Nantes.

Je ne crois pas à la livraison par drone

« Etre livré en 2 heures par drone et 40% plus cher que E.Leclerc, des clients comme cela je n’en connais pas beaucoup et ce n’est pas ma cible » débute-t-il. Il estime de toute façon qu’Amazon ne livrera pas par drone, et ce pour des raisons à la fois pratiques et stratégiques. « D’abord, je ne crois pas qu’Amazon livrera par drone parce qu’aucun d’entre nous n’acceptera qu’il passe un drone au-dessus de son jardin et au-dessus de sa tête » dit-il

« Mais surtout parce qu’à force de fantasme et de cibler l’impossible on entretient la communication mais on déroge à la notion de l’utilité sociale des entreprises » prévient-il. « Si vos entreprises n’ont pas une offre utile, vous aurez beau être les rois du digital vous dégagerez. 80% des entreprises qui ont été créées en France depuis l’an 2000 sur le digital ont disparu » illustre-t-il.

Une promesse commerciale dans la grande distribution 

« Il faut bien s’ancrer dans la tête que le digital n’est qu’une bataille de moyens et qu’être bon sur le digital ne remplacera jamais, ne se substituera jamais à la qualité d’une promesse commerciale » affirme-t-il. Et dans ce domaine, Amazon est à la traîne selon Michel Edouard Leclerc qui indique qu’Amazon va chercher cette promesse chez Monoprix et même chez E.Leclerc.


« Amazon vient nous voir pour commercialiser nos produits, parce qu’ils n’ont pas de promesse commerciale. Et nous, nous n’avons pas la promesse qu’avait Amazon en matière de logistique. Les deux courbes vont se croiser. Amazon fait la course pour se donner une légitimité commerciale et nous nous faisons la course pour apprendre la logistique et le service, et la bonne exécution du service. A ce jeu là celui qui gagnera c’est celui qui aura la promesse commerciale » résume-t-il.

« Notre promesse commerciale, c’est l’accessibilité par le prix. Le digital n’est qu’un moyen pour servir cette promesse là. Si demain je devais faire du Jeff Bezos en étant 40% plus cher, je faillirais à ma promesse » conclut-il.

« Les gens n’ont pas envie de voir un livreur chez eux, contrairement à ce que pense Amazon »

E.Leclerc mise sur les points relais pour se développer. «  Nous aurons toute une pléthore de points relais. L’idée est d’en mettre 3 à 4 par quartier habité à Paris. La moitié des Français n’ont pas envie de voir un livreur arriver chez eux, venir voir où ils habitent, contrairement à ce que pense Amazon. Il y aura des points relais dans toutes les villes de France. A Paris, notre point relais est face à un Monoprix qui est 30% plus cher que nous » sourit Michel Edouard Leclerc.
Le Drive auto a été pour E.Leclers l’expérimentation de la relation client avec le digital. « C’est l’apprentissage de nouveaux codes relationnels. C’est à partir du Drive que nous allons transformer Leclerc en enseigne multi-canal. D’ici 2025, nous resterons à 600-650 hypermarchés, 700 à 800 Drive voiture, et on aura un portail unique pour E.Leclerc » ajoute-t-il.
L’hypermarché reste le navire amiral. « En 2020, 70% du commerce français se fera encore à travers du physique. L’hypermarché sera à la fois le showroom, le certificateur de notre expertise mais aussi un lieu de vie, à condition que l’on y réinvestisse. Et il y a la formule intermédiaire entre le Web et le physique, qui est le Drive. E.Leclerc c’est 600 Drive en 6 ans et 40% de la croissance du mouvement, pendant que Bernard Arnaud se demandait si cela valait le coup chez Carrefour » dit-il.
« Nous réalisons 8% de notre chiffre d’affaires à partir du digital. En 2020, on sera à 10%. Et après le mouvement est lancé » conclut le dirigeant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *