Yann le Cun plaide pour l’investissement industriel dans l’intelligence artificielle en France

Yann Le Cun et Antoine Petit à Vivatech 2019 [Photo Alper Dincel]

L’intelligence artificielle gagne ses lettres de noblesse. A l’occasion du salon VivaTech 2019, le 17 mai, Yann Le Cun, souligne les enjeux du secteur pour la France à l’occasion d’un dialogue avec Antoine Petit, Président du CNRS. Yann Le Cun est directeur du département d’Intelligence Artificielle de Facebook et professeur à New York University.

Les industriels doivent investir dans l’I.A.

Yann Le Cun a reçu le prix Turing en 2018, l’équivalent du prix Nobel pour l’informatique. Ce prix est une bonne nouvelle pour l’Intelligence Artificielle (I.A.), considère-t-il, car l’I.A. est peu récompensée en général. Cette position de parent pauvre des sciences, n’est pas justifiée selon lui. Il cite l’exemple de la sécurité routière où il prédit que l’Intelligence Artificielle va sauver des vies de façon significative. Il conseille même aux industriels français d’investir sur ce sujet. « Traditionnellement les entreprises françaises n’investissent pas dans les technologies de l’information mais plutôt dans le domaine nucléaire ou spatial. Elles doivent maintenant oser prendre le risque » dit-il.

Dans cette évolution vers l’I.A., Yann Le Cun se félicite que la France et l’Europe en général aient des systèmes éducatifs de très haute qualité et savent former des talents. « C’est l’essentiel car c’est le plus difficile à obtenir et sans talents, on ne peut rien faire » insiste-t-il. Cela devrait amener la France dans la bonne direction. « La France est en passe de devenir un centre mondial de l’Intelligence Artificielle » annonce-t-il, tout en précisant que cela prend du temps. « Peut-être plus de temps qu’on ne pourrait l’imaginer » prévient-il.

Des salaires trop bas pour les chercheurs français

Antoine Petit, pointe pour sa part le fait qu’il n’y a pas assez de partenariats entre les laboratoires de recherche et l’industrie en France. La question des salaires est également un enjeu. Yann Le Cun rappelle une des conclusions du rapport de Cédric Villani sur l’intelligence artificielle : « il n’est pas facile en France d’attirer ou de garder des profils au vu des salaires proposés, qui seraient peu attractifs par rapport à ceux pratiqués aux Etats-Unis, au Canada, dans certains pays d’Asie, en Suisse ou même en Allemagne ». Antoine Petit précise ainsi que le salaire brut mensuel en début de carrière au CNRS est de 3000 euros.


Un des enjeux de l’Intelligence Artificielle est un enjeu éducatif. Tous les niveaux d’étude sont concernés. « Nous devons introduire l’I.A. à tous les niveaux et pas seulement au niveau Master et PHD et aussi au sein de la formation continue pour adultes » demande le président du CNRS. Mais cet apprentissage prendra 10 ou 15 ans ! Antoine Petit compare cette évolution au temps qu’il a fallu pour que la société française s’approprie les claviers et les souris d’ordinateur.

Les données acceptables pour le gouvernement français

Face à cette montée en puissance des données autour de chacun de nous, quels doivent être les précautions à prendre, surtout quand on est Facebook, un réseau social qui accueille 2 milliards d’utilisateurs. Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, a demandé à Emmanuel Macron de définir les « données acceptables » en France. Pourquoi une telle démarche ? Selon Yann Le Cun, ce n’est pas le rôle de Facebook de définir les contenus acceptables, mais c’est au gouvernement de chaque pays.

« C’est pour cette raison que Mark Zuckerberg a rencontré Emmanuel Macron la semaine dernière à Paris. Il lui a demandé de définir les contenus considérés comme acceptables par le gouvernement français » souligne-t-il. Il précise en conclusion que Facebook « ne veut pas travailler en Chine car nous ne voulons pas fournir les données des utilisateurs de Facebook au gouvernement chinois. »

Sandrine Baslé

Sandrine Baslé est spécialiste de la relation client, du marketing et de la vente de services. Ancienne d’Ipsos et de l’Institut CSA, elle a conduit de nombreuses missions de conseil dans le cadre de changement de culture d’entreprises. Elle a été avocate puis correspondante à Londres du journal Service News. Elle est également enseignante en marketing, études de marché et communication à l’IIM (Institut d’Internet et du Multimedia) et à TBS (Toulouse Business School) et directrice associée de Qualiview conseil.

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